En tant que chimiste spécialiste de la corrosion, Samantha Gateman s’intéresse habituellement à la sécurité et à la gestion des déchets dans le domaine nucléaire. Mais c’est sur un sujet en apparence aux antipodes de son expertise que cette chercheuse de l’Université Western, en Ontario, a récemment publié un article dans la revue Women’s health, du groupe Nature.
« J’ai trouvé très curieux qu’on utilise encore des stérilets faits en cuivre [un métal qui se corrode], relate la scientifique. Pourquoi pas un autre matériau avec moins d’effets secondaires? Je me suis mis en tête de développer un nouveau type de stérilet. » Dans l’article, elle envisage donc de nouvelles approches aux côtés de spécialistes en biologie, en psychologie et en science sociales.
En matière de contraception féminine, il n’existe pas de solution idéale. Pour celles qui préfèrent ne pas emprunter la voie hormonale, le dispositif intra-utérin (DIU) en cuivre, un petit objet en forme de T inséré dans l’utérus, est toutefois l’une des rares méthodes considérées comme étant hautement fiables. (À noter qu’il existe aussi des DIU hormonaux, dont il n’est pas question ici).
« Le stérilet de cuivre est aussi efficace que les contraceptifs hormonaux, tout en étant moins coûteux, explique Marina Gérard, psychologue et professeure adjointe au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal, qui n’a pas participé à ces travaux. Son principal avantage, c’est qu’il n’y a pas d’écart entre son efficacité théorique et son efficacité réelle. Dès qu’il est mis en place, il est efficace à 99%, ce qui enlève la charge mentale des utilisatrices ».
Le DIU en cuivre vient toutefois avec son lot d’effets secondaires. Cela inclut des règles plus abondantes et plus longues chez environ la moitié des femmes, ainsi que davantage de crampes douloureuses, ce qui peut conduire certaines femmes à abandonner ce mode de contraception.
Une mise à jour nécessaire
La méthode du stérilet de cuivre telle qu’on la connaît remonte aux années 1980. Elle est née après des décennies d’essais et erreurs, durant lesquelles les spécialistes en fertilité de l’époque ont testé plusieurs matériaux.
« Le cuivre a été choisi car, au contact de la cavité utérine, le métal s’oxyde et libère des ions cuivre (Cu2+), explique Samantha Gateman. Ces ions peuvent interagir avec les spermatozoïdes et les bactéries, ce qui leur donne des propriétés spermicides et antiseptiques. Ils peuvent aussi réagir avec la paroi de l’utérus, ce qui entraîne de l’inflammation. Cet environnement devient alors hostile à l’implantation de l’embryon, mais contribue aussi aux effets secondaires ».
Des études réalisées par d’autres scientifiques expliquent en partie cette réaction, montrant notamment que les ions cuivre peuvent se lier à certains récepteurs des cellules immunitaires, favorisant un état inflammatoire.
Parmi les autres métaux testés par le passé, certains semblaient avoir un effet contraceptif aussi intéressant que le cuivre sans activer l’état inflammatoire. Parmi eux, les plus prometteurs étaient le zinc et le fer, mais ces derniers s’oxydaient tellement rapidement qu’il était impensable de les utiliser pour fabriquer les DIU, qui ont une faible surface active. Pourtant, selon la professeure Gateman, ces deux métaux restent prometteurs, en particulier le fer.
Réévaluer les idées du passé
Pour réussir là où les chercheurs d’antan ont échoué, l’équipe de Samantha Gateman a développé des protocoles pour quantifier la vitesse de corrosion des différents métaux et trouver une façon de prolonger leur durée de vie dans l’utérus, par exemple à l’aide d’un biofilm protégeant la surface.
En parallèle, l’équipe évalue aussi la concentration d’ions métalliques qu’il faudra atteindre pour une contraception efficace, en plus d’étudier leurs mécanismes d’action. « Le métal qui soulève le plus d’intérêt est le fer. On travaille encore à comprendre son mécanisme d’action, mais nous sommes sûrs qu’avec le bon biofilm, il sera notre meilleur candidat », dit la chimiste. Les ions fer bloquent eux aussi les spermatozoïdes, sans pour autant générer de réponse inflammatoire.
Pour Marina Gérard, ces travaux sont bienvenus. « Selon moi, le seul désavantage du stérilet de cuivre, c’est qu’il est en cuivre, lance-t-elle à la blague. Sinon, c’est le contraceptif idéal en ce qui a trait à la charge mentale, l’efficacité et l’absence de contre-indications. Les craintes d’effets secondaires ont contribué à sa faible utilisation, mais un nouveau type de stérilet pourrait changer ça. »