Des chercheurs de l’Université de Montréal et du Jardin botanique de Montréal ont mis en lumière un nouveau mécanisme chimique utilisé par le lupin blanc pour combattre l’arsenic.

La pollution des sols par l’arsenic est un fléau mondial. « L’arsenic est un composé extrêmement toxique ; même à faible dose, il peut attaquer tout le système vivant », explique Adrien Frémont, doctorant en sciences biologiques à l’Université de Montréal.

Au Canada, le gouvernement fédéral, à lui seul, recense plus de 7000 lieux contaminés par des métaux tel que l’arsenic. « Au Québec, le problème vient notamment de l’entreposage de bois traité. Dans le passé, les poteaux des lignes électriques étaient traités à l’arsenic. C’est un biocide efficace, un traitement qui tue tout ce qui est vivant. Quand on démontait les poteaux et qu’on les stockait, l’arsenic percolait dans le sol et le contaminait », raconte M. Frémont, dont le projet de recherche est d’ailleurs financé en partie par Hydro-Québec. À la même époque, l’arsenic était aussi utilisé à grande échelle en agriculture.

Aujourd’hui, pour tenter de décontaminer les sols pollués à l’arsenic, Adrien Frémont s’arme d’un allié de choix : le lupin blanc. Cette herbacée originaire du bassin méditerranéen possède des adaptations racinaires très spécifiques qui lui permettent de pousser dans des sols pauvres et compactés, ainsi que de résister aux environnements contaminés aux métaux.

« À l’intérieur des racines, on trouve des phytochélatines, des composés chimiques importants impliqués dans le mécanisme de protection face aux métaux », détaille le jeune chercheur. Dans ses expériences, il a eu la surprise d’en retrouver aussi dans le sol, autour des racines. La découverte a été publiée en août dans la revue Plant, Cell & Environment.

Désarmer le contaminant

Dans le sol, l’arsenic est principalement présent sous la forme d’arséniate (un sel d’acide arsénique). Une fois absorbé par les racines, il est transformé en arsénite (un oxyde d’arsenic). En réponse à la présence du contaminant, la plante synthétise des phytochélatines qui neutralisent l’arsénite en formant des complexes, c’est-à-dire que l’arsenic se lie aux phytochélatines ce qui le rend inoffensif pour la plante. Le contaminant désarmé se concentre ensuite dans la vacuole, une sorte de grand sac dans la cellule végétale où les déchets toxiques sont entreposés. Une bonne stratégie pour éviter d’aller envahir les autres parties de la plante.

Pourquoi des phytochélatines se retrouvent-elles dans le sol? L’étudiant-chercheur soulève deux théories. « On pense que l’arsenic et les phytochélatines formeraient des complexes à l’extérieur de la plante pour empêcher le contaminant de rentrer dans celle-ci. Ou alors l’arsenic déjà complexé aux phytochélatines dans les racines se retrouverait expulsé à l’extérieur de la plante. » Dans un cas comme dans l’autre, ce serait une autre forme de protection de la plante.

Une plante prometteuse

De là à dire que le lupin blanc est une plante parfaite pour décontaminer des sols pollués à l’arsenic, c’est encore un peu tôt, selon Adrien Frémont. « Ça demande encore beaucoup de recherches. Il faudrait être sûr que les phytochélatines relarguées dans le sol forment bien des complexes avec l’arsenic et qu’ils sont stables. Il faudrait voir aussi si cette stratégie de lutte est présente chez d’autres espèces », précise-t-il.

Malgré les questions qui persistent, l’étudiant-chercheur entrevoit un bel avenir pour l’herbacée. « Ce serait intéressant d’utiliser le lupin blanc pour contenir l’arsenic autour des racines afin d’éviter qu’il se propage dans les eaux souterraines ou dans les êtes vivants. Ça pourrait être une façon se stabiliser la contamination afin de continuer des activités sur ce sol », conclut-il.