

Gregory Patience, ingénieur chimiste et professeur à Polytechnique Montréal.
Le PMMA, couramment appelé plexiglas, est partout en ce moment et sa fabrication est loin d’être verte. Mais cela pourrait s’améliorer, grâce à un nouveau procédé de fabrication plus respectueux des ouvriers d’usine et de l’environnement. (Cet article est produit en partenariat avec L’Actualité chimique canadienne.)
Aux comptoirs des pharmacies, dans les épiceries, à la banque, aux bureaux de passeports, chez le marchand de pièces de voiture : aucun endroit, aucun commerce n’a été épargné par la tempête plexiglas. La crainte des postillons a transformé la pandémie de COVID-19 en manne pour les fabricants de verre acrylique, l’autre nom du plexiglas, ce terme étant en fait une marque de commerce (il y en a d’autres comme l’altuglas ou la lucite). Et les panneaux se sont ainsi multipliés comme des champignons.
Si la présence du plexiglas saute aux yeux chez les détaillants, on voit moins les problèmes environnementaux que sa fabrication entraîne, à la base de la chaîne de production. « L’ingrédient de base de ce composé est l’acide méthacrylique, explique Gregory Patience, ingénieur chimiste et professeur à Polytechnique Montréal. Le principal procédé utilisé en usine pour produire cet ingrédient de base est appelé la voie ACH, car elle nécessite l’utilisation d’acétone et d’un réactif très toxique, le cyanure d’hydrogène, en plus d’acide sulfurique. Et elle génère de grands volumes de bisulfate d’ammonium, un sous-produit pour lequel on n’a pas beaucoup de débouchés. Côté environnement, l’acide méthacrylique, c’est un problème. »
Avec ses collègues, Gregory Patience s’est donc penché sur une façon plus verte de produire l’acide méthacrylique. « Il existe des procédés à partir d’autres matières moins nocives, comme l’éthylène, le propylène, l’isobutane… Dans tous les cas, le procédé est moins problématique, mais d’autres défis surgissent, comme les coûts élevés, la difficulté de séparer le produit de tous les sous-produits, les catalyseurs instables, le faible rendement… »
Un plexiglas plus vert
En 2014, l’équipe de Polytechnique a publié un article présentant un nouveau procédé de fabrication de l’acide méthacrylique qui surmonte partiellement les désavantages des autres façons de faire. « Nous partons d’un composé appelé 2-méthyl-1,3-propanediol, ou 2MPDO, explique l’ingénieur-chercheur. En l’oxydant avec de l’oxygène, on obtient l’acide méthacrylique, avec des sous-produits non-toxiques, comme le CO2 et le méthane. » La fabrication nécessite moins d’étapes et moins de matières premières toxiques, en plus d’être moins coûteuse.
L’étape suivante était de vérifier si le nouveau procédé pouvait être utilisé à grande échelle, de façon industrielle. Et c’est chose faite ! « Nous avons testé la réaction à différentes températures, et avec différentes concentrations de 2MPDO et d’oxygène, détaille Gregory Patience. Nous avons démontré que l’apport en oxygène peut simplement provenir de l’air, et que la réaction est fonctionnelle à des températures aussi basses que 200°C, mais c’est autour de 320°C que les rendements sont les meilleurs. »
Le défi est maintenant d’obtenir la matière première. « Le 2MPDO est en fait un sous-produit d’une autre réaction industrielle, poursuit le chercheur. Et il n’y a pas assez de 2MPDO en ce moment pour concurrencer le procédé ACH. Il faudra trouver une façon d’en produire suffisamment pour répondre à la demande d’acide méthacrylique. » Et la demande est forte.
Pour mieux comprendre, il faut savoir que le plexiglas est le résultat d’une première transformation de l’acide méthacrylique (MAA) en méthacrylate de méthyle (MMA). Ce MMA peut ensuite être polymérisé, c’est-à-dire qu’un très grand nombre de molécules de MMA peuvent être mises bout à bout pour former de longues chaînes moléculaires, typiques de tous les polymères. Chimiquement parlant, le plexiglas est donc un polymère de MMA et son nom réel est le poly méthacrylate de méthyle, ou PMMA.
Soixante-quinze pour cent du MAA est destiné au marché du PMMA. Pour le reste, il entre dans la fabrication de peintures, de scellants, d’adhésifs, de revêtements. On s’en sert même pour faire de la colle à os lors des greffes de hanches et de genoux artificiels. Autant de produits dont la fabrication pourrait devenir plus verte si le nouveau procédé peut devenir la norme.
Et le recyclage?
Mais tout ce plexiglas de la pandémie, que deviendra-t-il lorsqu’il ne sera plus utile ? Si ce plastique est recyclable, il n’est pas recyclé, du moins pas au Canada. Il est pourtant possible de dépolymériser le PMMA pour refaire du MMA. « Le défi est économique, explique Gregory Patience. Recycler le PMMA coûte plus cher que produire du MMA à partir de matière première. Il faut collecter le plexiglas, le transporter, le nettoyer et le dépolymériser. Cette dépolymérisation nécessite de l’énergie et il y a des pertes de rendement. Le produit final n’est pas du MMA pur ; il est mélangé à d’autres produits et le rendement peut être inférieur à 50% car les caprices de la chimie font qu’une partie du MMA est transformé en d’autres sous-produits. Et il faut encore séparer le MMA de ces sous-produits. Mais des recherches sont en cours pour augmenter ce taux de rendement et diminuer les prix. »