Vivre dans une zone régulièrement touchée par des feux de forêt pourrait augmenter le risque de certains cancers, révèle une étude de l’Université McGill.

Par Chloé Bourquin

Les pics de chaleur que l’on connaît depuis quelques semaines marquent le retour de l’été, et avec lui la saison des feux de forêt. Outre les ravages que les flammes provoquent lors d’un incendie, ces feux pourraient aussi induire des effets à long terme sur la santé humaine. « Les feux de forêt libèrent une foule de polluants dans l’environnement », explique Jill Korsiak, doctorante à l’Université McGill et première auteure de l’étude publiée en mai dans The Lancet Planetary Health.

Bien que la composition chimique exacte d’un incendie soit difficile à déterminer et varie même d’un feu à l’autre, on sait depuis longtemps que certains contaminants présents dans les feux de forêt sont cancérigènes. « Par exemple, les incendies libèrent en grande quantité des particules ultrafines », un type de polluant connu pour favoriser l’apparition de tumeurs cérébrales, dit-elle. Aucune étude n’avait toutefois analysé les effets sur le long terme de l’ensemble du cocktail de polluants généré par les feux de forêt.

Un risque faible mais néanmoins préoccupant

Menée auprès de deux millions de Canadiens vivant hors des grandes villes et sur une période de 20 ans, l’étude montre que « le fait de vivre dans une zone souvent touchée par les incendies est associé à une légère augmentation du risque de cancer du poumon ainsi que de tumeurs cérébrales », détaille Korsiak. Contrairement à ce qui était attendu, ce risque ne semble pas augmenter avec la proximité des feux de forêt : que l’on habite à 20 km ou à 50 km de l’incendie, la probabilité de développer un cancer reste similaire.

Le risque demeure faible : l’étude souligne que quelqu’un vivant près d’une forêt régulièrement touchée par des incendies a une probabilité 5% plus élevée de développer un cancer du poumon qu’une personne vivant loin de tout feu de forêt. Par comparaison, la probabilité de souffrir d’un tel cancer est 2000% plus élevée pour un fumeur, par rapport à une personne non-fumeuse.

Il y a néanmoins lieu de s’inquiéter, selon Scott Weichenthal, professeur au Département d’épidémiologie, de biostatistique et de santé au travail de l’Université McGill et coauteur de l’étude. Même si le risque semble minime, « plusieurs millions de personnes y sont exposées, donc on peut s’attendre à ce qu’un nombre important de cancers soit lié à ces feux ».

Des données particulièrement préoccupantes dans un contexte de dérèglement climatique. « On va certainement connaître davantage d’incendies dans les prochaines décennies, et de plus longue durée », rappelle Korsiak.

Il faut donc plus de travaux sur le sujet, estime le duo. « Plus nous comprendrons ce qui cause ces effets nocifs sur le long terme, plus nous pourrons donner des conseils adaptés pour limiter les risques, même si nous ne pourrons probablement pas les éliminer complètement », affirme Weichenthal.

Des résultats qui invitent à creuser davantage

L’étude comprend certaines limitations relevées par ses auteurs. L’exposition plus ou moins importante des populations a été basée sur la proximité des habitations, mais elle ne tient pas compte de la direction ou de la vitesse des vents. De même, il serait intéressant d’évaluer la contamination de l’eau et des sols, ou l’accumulation de polluants dans les maisons, qui pourraient prolonger les périodes d’exposition aux agents cancérigènes.

« Idéalement, les auteurs auraient modélisé le panache des feux de forêt ou la concentration des polluants qu’on suspecte être en cause dans les cancers », précise Stéphane Buteau, spécialiste des effets de la pollution de l’air sur la santé à l’Institut national de santé publique du Québec, qui n’a pas participé à l’étude.

Le chercheur souligne également que ces travaux comprennent certains angles morts : les populations étudiées étaient-elles fumeuses ? Chauffaient-elles leurs maisons au bois ou exerçaient-elles des métiers déjà à risque ? Ces facteurs pourraient selon lui influencer les chiffres avancés par l’équipe scientifique.

« À mon sens, cette étude ne permet pas de conclure que ce sont nécessairement les feux de forêt qui ont causé un excès de risque de cancer, mais elle génère des hypothèses, précise Buteau. Elle comporte des résultats intéressants qui encouragent à investiguer davantage pour raffiner ce qui a été fait et pour essayer de mieux comprendre l’effet des incendies sur la santé humaine sur le long terme. »